“Aux Portes du royaume animal” et autres livres d’Amy Hempel (Cambourakis, 2014, 2015, 2016)
De nombreuses rencontres ont jalonné notre année littéraire 2025. Très probablement la plus mystérieuse et discrète d’entre elles, qui nous laisse pourtant dans un état de trouble inégalé, c’est bien Amy Hempel.
Outre-Atlantique, cette écrivaine américaine est considérée comme une des plus grandes plumes contemporaines et ses recueils de nouvelles sont vénérés, étudiés et ont reçu quelques prix prestigieux. En France ? Inconnue au bataillon. Il faut dire que son écriture est d’une singularité frappante.
Ce qui intéresse Amy ce n’est pas tant ce qui arrive à ses personnages, mais plutôt l’impact de ces évènements sur leur vie et ce que ces derniers décident d’en faire. Cela crée donc un léger décalage dans la narration par rapport à nos habitudes, crée une certaine forme de fatalité abrupte et d’étrangeté fantomatique. Il y a quelque chose de l’ordre de la peinture de l’uniformisation pavillonnaire, de l’angoisse du redondant, du quotidien qui finit par nous avaler tout cru... et pourtant tout baigne dans une trivialité confondante.
Amy Hempel est une des reines de la forme courte désaxée, qui décentre notre regard sur les choses et les êtres, aiguisée jusqu’à la moelle, teintée d’une vision ironique sur la banlieue américaine, et trempée jusqu’à l’os d’une empathie qui sait se faire parfois rieuse.
Merci à Cambourakis pour le travail éditorial. Merci à Jean-Pierre Carasso, Jacqueline Huet, Simone Manceau et Évelyne Pieillier pour leur travail de traduction sur les recueils encore disponibles aujourd’hui. Et on croise fort les doigts pour voir venir une réimpression du « Chien du mariage », traduit par Guillaume Vissac.