“Combien de cœurs” de Nawal El Saadawi (Les Prouesses, 2023) & “L’Oiseau rouge” de Zitkala-Sa (Les Prouesses, 2024)

Merveilles de textes d’une importance immense au sein du matrimoine littéraire international, nous tirons notre chapeau aux éditrices des Prouesses pour le chantier qu’elles ont lancé avec leur collection Mémoires, et pour leur ligne éditoriale d’une cohérence rare.

Les deux premiers livres de cette collection déjà essentielle sont brillants sous plusieurs aspects. Ils partagent tous deux d’être à forte teneur autobiographiques, sans délaisser une certaine forme de poésie, écrits par une femme qui a fait montre d’une certaine forme d’engagement - plutôt radical disons-le - tout au long de sa vie, et d’une certaine droiture et respect de ses idéaux.

On suit dans « Combien de cœurs » l’enfance et le début de la vie adulte d’une jeune femme qui choisira de faire carrière dans la médecine. Elle découvrira tout au long de sa jeunesse et de son parcours les distinctions futiles faites entre homme et femme, être humain et animal. Refusant de nier son esprit au profit de son corps, elle cultivera un regard critique sur le monde et notamment les relations femmes - hommes. Refusant de s’oublier au profit d’un mari, elle n’hésitera pas à questionner ses semblables sur les règles absurdes de la société égyptienne, les regardant droit dans les yeux sans perdre son sang froid, tentant d’atteindre une forme d’honnêteté franche, belle et puissante, avec son monde.

« L’oiseau rouge » aborde également un passage à l’âge adulte, au sein du peuple Dakota, et la fascination de l’autrice, alors petite fille, pour le monde imaginé des Blancs, et leurs écoles. Le sujet colonial est ici bien plus présent à travers la fameuse mission « civilisatrice » et la manière dont l’école en question ne sert qu’à formater et faire disparaître toute culture d’origine. On passe beaucoup de temps dans la tendresse de l’enfance et la richesse de la culture du peuple de l’autrice, pour ensuite vivre également dans notre chair et notre esprit les stratégies délétères de l’éducation des colons. Zitkála-Sá écrit ces textes entre 1900 et 1902, et ils se lisent aujourd’hui avec le même pincement au coeur, n’ayant pas vieilli d’un seul pouce.

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