“L’ombre des forêts” de Jean-Pierre Martinet (L’Atteinte,2023)

D'ordinaire, les livres de Martinet se glissent dans les poches comme des médicaments, avec la compréhension tacite des blessures qu'ils viendront panser, sans trop en dire sur l'étrange réconfort que l'on peut éprouver en les lisant. Loin des éclairs jubilatoires d'une œuvre lumineuse, la lecture de Jean-Pierre Martinet incite à l'introspection et guérit en profondeur. Comme le Cinéma de Béla Tarr ralentit nos battements cardiaques, nous plonge comme en apnée, tous petits au sein du cosmos, et nous met en présence d'individus errants à la recherche d'une étincelle, d'un sens, soliloquant seuls dans un vaste monde battu par les vents, la Littérature de Jean-Pierre Martinet sonde au plus profond de notre psyché, nous fait ralentir et nous interroger sur qui nous sommes et où nous nous rendons.

"L'ombre des forêts" est probablement son roman le plus accessible et la meilleure porte d'entrée dans les écrits de son auteur : bourré de références à la production culturelle de son époque, pas avare en dialogues, et même chargé en tension narrative (du jamais vu !). Ce n'est pas un mais quatre individus dont nous allons suivre les pérégrinations cette fois, et avec ce dernier roman, le Girondin nous offre une belle somme de ses précédents personnages : on retrouve par-ci, par-là l'ombre de Martha Krühl, Jérôme Bauche et Adolphe Marlaud.

Les livres de Martinet appartiennent à ces expériences esthétiques qui nous tendent un miroir vers nos propres obsessions, qui nous font approcher certains Êtres à la marge, et nous recentrent sur ce qui constitue notre cœur enfoui : cette petite boule noire, brute, mate et mal dégrossie qui palpite sous nos chairs, qui rayonne et nous alimente constamment d'une énergie antédiluvienne.

Après tout, est-ce que lire Jean-Pierre Martinet ce ne serait pas rentrer en méditation ? Merci à L'Atteinte pour la réédition.

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