“Le livre des monstres” de Juan Rodolfo Wilcock (L’Arbre Vengeur, 2018)

Vous reprendrez bien un (petit) recueil de (toutes petites) nouvelles ? Vous reprendrez bien de la littérature argentine ? Et vous reprendrez bien également une sortie des excellentes éditions de l’Arbre Vengeur ?

Ecoutez, ça tombe bien : les trois éléments sont réunis dans ce « Livre des monstres » de l’écrivain argentin Juan Rodolfo Wilcock - à la plume italienne dans sa prose, sinon ce ne serait pas drôle. Imagination débordante et portraits bigarrés au programme pour ce me bestiaire qui fait forcément penser à celui beaucoup plus sourcé, et comme scientifique, de son ami Borges. Un homme a tout d’un mannequin de cire ; un autre, sur son lit d’hôpital, s’est changé en pneu de camion ; un beau-père est une… illusion d’optique (oui oui) ; un menuisier de la province de Viterbe se met à pondre des œufs ; le fils d’une famille s’est transformé en tornade ; un mari vit à l’état liquide dont la femme entretient un réservoir qui le contient ; un géomètre s’est transformé en un volcan de boue… non non vous ne rêvez pas ! Au-delà de leur particularité physique, ce qui est délicieux réside également dans la description de leur quotidien.

Juan Rodolfo ne nous laisse pas du tout le temps de s’ennuyer et enchaine les petits tableaux terriblement inventifs. On se demande encore et toujours ce que l’auteur nous sortira de son chapeau. Puis, au fur et à mesure de l’exposé, on se demande s’il ne serait pas en train de nous tendre un miroir, de nous donner à réfléchir sur notre humanité, notre jugement de l’autre, et comment nous tous, pourtant bel et bien humains, sans cornes ni tentacules, nous n’aurions pas quelque chose de monstrueux en nous, à apprivoiser, domestiquer, ou contrecarrer.

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