“L’orage et la loutre” de Lucien Ganiayre (L’Ogre, 2015, 2024)
« L’Orage et la Loutre » est un roman étrange, hypnotisant : l’histoire d’un homme qui expérimente le gel du monde qui l’entoure. Le temps se fige, tout est en suspens, et lui au centre de ce théâtre muet et assourdissant de silence, cherche des réponses, il cherche à comprendre. Très vite ce qui pourrait s’apparenter à un roman de survie se transforme en une magnifique histoire sur l’amitié, après que le héros se décide à retrouver son seul ami d’enfance. La lumière blafarde, presque glaciale, du soleil surplombant, devient halo, brasier intérieur qui requinque et donne du carburant pour aller de l’avant. Sous la plume de l’auteur, un souffle d’une chaleur époustouflante nous envahit.
Loin du récit d’un plaisir égoïste, personnel et mesquin, résultant du simple statut d’observateur qui n’a pas à frayer avec son prochain, Ganiayre évoque, à travers l’exploration de la quête de son héros, l’émerveillement et l’ouverture au monde dont nous pouvons faire preuve, si on en prend le temps et les dispositions.
« L’Orage et la Loutre » est un livre radieux, dont les rayons solaires perceraient les joints d’un vieux et épais mur en pierres, sa lecture fait monter en nous des sentiments d’une complexité et d’une douceur rare. Et pourtant, jusque dans ses dernières pages, le livre garde une fascination, une porte ouverte sur l’obscur et l’effroi, l’étrange et l’invisible qui nous entoure, l’impalpable, comme une voie vers la transcendance. Il fait partie de ces livres qui contemplent le ciel bleu azur non pas pour y déceler des nuages mais pour le percer et porter son regard dans le vide intersidéral et la poussière des étoiles, la vanité de toutes choses, et y trouver du réconfort. Celui de savoir que tout est déjà fini, mais que tout reste donc à faire, à voir, à sentir, à éprouver.
L’unique livre de Lucien Ganiayre avance masqué, comme les plus grands coups au cœur. Longtemps après avoir tourné la dernière page, on finit par s’avouer, la gorge serrée, que l’on vient de lire un très, très très grand livre. Bon sang que ça remue !